A une époque où la myopie est devenue un fléau mondial, le Pr Francine Béhar-Cohen, chirurgienne ophtalmologue et chercheuse a tenu le 27 mai 2024 à l’invitation de PCL une très instructive conférence sur le thème « Myopie et risques liés aux LED ». Cliquez sur la photo pour accéder au contenu de son intervention.
En Chine, le taux de myopie des enfants et des adolescents atteint le chiffre sidérant de 90%. En Europe, une personne sur trois en est atteinte. Sur le plan mondial, les confinements successifs liés à la crise du Covid ont encore augmenté les risques de myopie chez les enfants. Ces quelques données de santé publique ont – parmi d’autres – été rappelées par le Professeur Francine Béhar-Cohen, chirurgienne ophtalmologue et chercheuse, lors de la conférence qu’elle a tenue le 27 mai à école élémentaire Poulletier, dans le 4ème arrondissement, sur le thème « Myopie et risques liés aux LED ».
À l’invitation de son directeur Éric Denis, des bénévoles du Lions Club Paris Ile de la Cité ont contribué en mai dernier à une opération de dépistage de la vue d’élèves de l’école élémentaire Poulletier et mené quelques jours plus tard une opération de sensibilisation des enfants à la vue. C’est à leur demande que le Pr Béhar-Cohen a tenu sa conférence à laquelle parents d’élèves et enseignants étaient conviés.
Lumière bleue toxique pour la rétine
Les LED – en français diodes électroluminescentes – sont devenues les principales sources de lumière à usage domestique pour répondre aux exigences réglementaires Européennes en matière d’économie d’énergie. Il n’y a plus dans le commerce de lampes à incandescence ou de tubes fluorescents. En 2010, l’ANSES (Agence nationale de la sécurité sanitaire) a publié un rapport visant à évaluer les impacts potentiels des LEDs enrichies en lumière bleue sur la physiopathologie oculaire. Depuis, les technologies LEDs évoluent rapidement avec des lampes de plus en plus puissantes, atteingnant des intensités lumineuses jamais égalées en éclairage domestique. La réglementation protège la population de la vente de lampes qui ne répondent pas à des normes de sécurité phototoxiques . Mais ce nomes reposent sur des études anciennes, qui utilisent des methodes toxicologiques dépassée et ne prennent en compte que les expositions aiguës a déploré Francine Béhar-Cohen. L’ANSES a publié une opinion sur la nécessité de réviser ces normes à la lumière de valeur limite d’exposition revisitées.
Perturbation des rythmes biologiques
Une nouvelle étude de l’ANSES a confirmé en 2019 que plusieurs caractéristiques des lampes à technologie LEDs exposent à des risques pour la santé visuelle et pour le sommeil . L’exposition excessive à de courtes longueurs d’onde (lumière bleue) peut contribuer à long terme à la survenue d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) mais également à des glaucomes ou un vieillissement excessif de la rétine. Mais il faut avoir à l’esprit que la lumière ne sert pas seulement à voir. Elle a aussi un effet sur nos rythmes biologiques a souligné la conférencière. Une exposition à la lumière bleue, en particulier le soir, peut perturber fortement le sommeil. Or les écrans de nos smartphones, tablettes, ordinateurs ou téléviseurs sont tous sans exception éclairés par des LED, à forte composante bleue, quand les écrans ne sont pas contrôlés ! Autre réalité : il n’existe plus aujourd’hui de vrai ciel nocturne. 80% de la population mondiale vit sous un ciel éclairé en permanence. Cette quasi « suppression » de la nuit porte directement atteinte à la biodiversité et à l’environnement. Il n’y a par exemple plus de saumons sauvages parce que les ponts sont éclairés…
La myopie, fléau mondial
Une diversité de facteurs – génétiques, culturels… – peuvent être à l’origine de la myopie. Mais on sait maintenant que le déséquilibre des spectres des lampes artificielles par rapport à la continuité du spectre de la lumière solaire, contribue au développement et la progression de ce qui est devenu un fléau mondial, a martelé le Professeur. Les enfants naissent hypermétropes : ils ne distinguent pas clairement les objets trop proches, ce qui est l’inverse de la myopie. Leur œil grandit au cours de leurs six premiers mois. La variation de l’intensité de la lumière et de ses longueurs d’onde est très importante dans leur développement visuel. Il a été montré dans de multiples études que l’exposition à la lumière du jour pendant plus de deux heures par jour limite la progression de la myopie. Par ailleurs, un temps excessif passé devant les écrans entraîne une adaptation de l’œil à la vision de près. À terme, le cerveau ne reçoit plus qu’une image floue des objets éloignés. La myopie est installée.
Conseils de bon sens
Quelques conseils simples à appliquer au quotidien: varier les sources lumineuses ; éviter des objets qui incorporent des lampes et ne sont pour l’instant soumis à aucune norme ; préférer la lumière du jour chaque fois que possible (le rouge du spectre de la lumière naturelle protège de la toxicité du bleu) ; éviter les écrans le soir et la nuit. Et pour les enfants de moins de quinze ans : proscrire les veilleuses et les sources lumineuses la nuit ; passer si possible deux heures par jour à l’extérieur ; bannir les écrans abusifs – pas d’écran avant six ans et moins de deux heures par jour jusqu’à treize ou quatorze ans ; porter des lunettes de soleil par beau temps. Le respect de ces recommandations simples peut permettre de préserver la vue de chacun, adultes comme enfants, a conclu le Professeur Béhar-Cohen.